L’historien et les mémoires de la seconde guerre mondiale

Publié le 28 Août 2018

Thème 1 : Le rapport des sociétés avec leur passé
L’historien et les mémoires de la seconde guerre mondiale

 

Plaque située à l'entrée de la rue principale d'Oradour sur Glane.   Ce village du Limousin a été le théâtre d'une exécution systématique de la part des Waffen S.S. le 10 juin 1944, faisant officiellement 642 victimes.   Conservé en état de ruine, ce village fantôme reste le témoin d'un crime odieux...

 

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Introduction :

La mémoire n'est pas l'histoire. L'histoire  est une construction, un jugement sur une période historique. C'est un travail rigoureux, scientifique d'historien

Travail qui se heurte souvent à l'émotion de ceux qui ont vécu le conflit. La mémoire peut se perdre, changer, être sélective au fil du temps. Les archives restent et servent d'appui pour reconstruire le passé au-delà de l'affect. 

Ce travail est nécessaire pour mieux comprendre le présent.

Comment s'est construit la mémoire de la seconde guerre mondiale ? Pourquoi la mémoire de ce conflit ne fait toujours pas consensus aujourd'hui ?.

PARTIE HORS SUJET

Rappel historique (donc hors sujet puisque déjà maîtrisé normalement...)

Une drôle de guerre pendant 9 mois (septembre 1939 - mai 1940) avec une stratégie française fondée sur la défense ; puis l’anéantissement de la France en 6 semaines (Blitzkreg, mai-juin 1940), exode des civils qui fuient les combats. C’est la débâcle.

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Pour Pétain, la guerre est perdue, la guerre est limitée à la France métropolitaine, l’échec français est dû à l’infériorité numérique (classes creuses 1914-18), militaire (moins d’alliés et moins de matériel). Le discours de Pétain est grave et pessimiste (« malheur » est le dernier mot du discours). Pour les Français, Pétain est resté le sauveur de 1914-18, un vieillard très populaire, l’homme providentiel.

 

Le gouvernement Paul Reynaud démissionne et le nouveau gouvernement formé par le Maréchal Pétain qui demande l’armistice (fin des combats mais pas de traité de paix), signé le 22 juin 1940 à Rethondes dans le même wagon que celui qui a servi à pour l'armistice de 1918.

 

 

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La France est coupée en deux parties par une ligne de démarcation : zone libre / zone occupée.

La zone libre est dirigée par Pétain qui a reçu les peins pouvoirs.

 

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Le régime de Vichy et le choix de la collaboration

Le 10 juillet 1940une loi, dite « constitutionnelle », votée par les deux Chambres (569 voix pour, 80 contre et 17 abstentions) réunies en Assemblée nationale au casino de Vichy donne tous les pouvoirs au maréchal Pétain, sans contrôle de l’Assemblée, avec pour mission la promulgation d’une nouvelle Constitution. Celle-ci ne verra jamais le jour. De sorte que l’État français allait rester durant toute sa durée un État provisoire.

 

Pétain engage personnellement et officiellement, par son discours radiodiffusé du 30 octobre 1940, le régime de Vichy dans la collaboration, suite à l’entrevue de Montoire du 24 octobre 1940, durant laquelle il rencontra Hitler  . Cette « poignée de main de Montoire », sera par la suite largement diffusée aux actualités cinématographiques, et exploitée par la propagande allemande.

 

Un régime autoritaire et d’ordre moral : « la Révolution Nationale ».

Rejet de « l’anti-France » : communisme, étrangers, juiverie, capitalisme, résistants…

Exaltation des valeurs traditionnelles du passé (régime réactionnaire) :

 

TRAVAIL-FAMILLE-PATRIE: Nouvelle devise de la France affichée sur cette propagande:

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Soldats français volontaire de la LVF

 

 

 

 

Un régime collaborateur : mise en place d’un régime policier contre les "ennemis de l’intérieur" (opposants à la Révolution Nationale) et d’une juridiction d’exception (Cour de Riom : Blum, Daladier emprisonnés), Laval membre du gouvernement, ardent collaborateur.

Pétain  espère obtenir une place privilégiée dans l’ordre nouveau européen :

 

 

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Propagande pour le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.)

 

 

 

 

Vichy devance même les exigences allemandes : LVF en 1941 sur le front de l’est contre le bolchevisme, STO en 1943 (750 000 jeunes partent), Milice en 1943 pour traquer les résistants et les juifs.

 

 

 

Un régime antisémite : initiative de Vichy. Loi d’épuration de l’administration dès juillet 1940, suivie du statut des Juifs le 3 octobre 1940 : certaines professions sont interdites et les droits amputés (modelé sur les lois de Nuremberg).

 

- 3 juin 1941, loi d’internement : recensement et internement des Juifs

- Automne 1941, création de la police aux questions juives

- 20 août 1941 ouverture du camp de Drancy contrôlé par la GESTAPO et gardé par les gendarmes français.

- Fin mars 1942, 1er convoi de Juifs de Drancy à Auschwitz

- Le port de l’étoile jaune est rendu obligatoire à partir de 6 ans, le 7 juin 1942.

 

Rafle du Vélodrome d’Hiver le 16 juillet 1942 : la police française rafle 3031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants dans le 15° arrondissement de Paris (préparée par Bousquet).

Au total en France, la « solution finale » a vu la déportation de 75 721 Juifs dont seulement 2566 ont survécu en 1945 (43 000 immédiatement gazés, 2,7% avaient moins de 6 ans, 11,6% entre 6 et 17 ans).

 

 

 

Cette collaboration active n'apaise pas les privations que subissent les français (rationnement notamment)

 

 

 

Conclusion

Le régime de Pétain crée le Service du Travail Obligatoire et la Milice en 1943. Il impose le système antisémite (statut des Juifs, étoile jaune) et participe activement à la déportation (rafle du Vélodrome d’Hiver en juillet 1942). Le bilan est proche de 80 000 victimes.

 

La France souffre : la population a faim et froid (pénurie d’aliments et de charbon, rationnements et marché noir) et elle a peur (chantage, répression par des prises d’otages, rafles) car la Gestapo et la Milice veillent. L’Occupation est une période sombre pour la population française.

Le rôle de la France libre et la Résistance

L’Appel du 18 juin

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Le Général De Gaulle fait le choix de la Résistance, appel du 18 juin 1940
 

"La défaite est due à la supériorité stratégique allemande, centrée sur l’utilisation conjointe des chars et des avions. De plus, l’instabilité ministérielle de la III° République n’a pas permis une préparation de la France à la guerre".

De Gaulle a un ton optimiste : la France possède un empire colonial qui peut s’allier à l’empire britannique, espérer l’aide des Etats-Unis. Il lance un appel à l’union des Français et à la Résistance : De Gaulle attend les spécialistes de la guerre (soldats, ingénieurs, ouvriers de l’armement…).

L’appel est entendu par une minorité de personnes sur la BBC en France, et il est aussi diffusé par affiche, placardée sur les murs de Londres en juillet 1940 : « la France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu la guerre ».

De Gaulle crée un Comité Français de Libération Nationale, ébauche de gouvernement, appuyé sur les Forces Françaises Libres (FFL), basées à Londres puis Alger. Il essaie de se faire reconnaître par les Alliés.

Une minorité, dont le nombre augmente tout au long du conflit (230 000 cartes de « combattants volontaires de la Résistance » avant mars 1944, avec les sympathisants et les militants non encartés, estimation d’un million), des membres actifs clandestins, avec des pseudonymes (colonel Passy = André Dewarin, noms de stations de métro…) ; les Combattants de l’Ombre.

 

Les groupes sont d’abord spontanés, puis des réseaux s’organisent avec trois objectifs :

organiser des évasions

- renseigner (recueillir des informations sur l’ennemi)

- saboter (266 réseaux utilisant 150 000 agents), participation communiste très forte à partir de l’invasion de l’URSS en juin 1941, ils constituent parfois des maquis.

 

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Exemples de sabotage

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Jean Moulin est envoyé par De Gaulle pour unifier les différents groupes au sein du Conseil National de la Résistance à partir de janvier 1943 : 8 mouvements de Résistance, syndicats (CGT, CFTC), partis politiques (PCF, SFIO, parti radical, démocrates populaires, Alliance Républicaine, Fédération Républicaine), il doit libérer le territoire et préparer le gouvernement futur de la France après la guerre. Les résistants deviennent les Forces Françaises de l’Intérieur.

 

Les conséquences de la seconde bataille de France sont lourdes en représailles nazies :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Oradour-sur-Glane en 1944

Oradour-sur-Glane en 1944

En France, des réseaux clandestins de résistance s’organisent peu à peu (combat, Francs-Tireurs, Ceux de la Libération…)  et s’occupent d’évasions, de renseignements, et surtout de sabotages, parfois d’attentats. Des maquis se créent (Vercors). Les réseaux sont unifiés en 1943 par Jean Moulin, qui crée le Conseil National de la Résistance (CNR).

En 1944, la France se libere. Paris est libéré le 25 août par les Forces Françaises de l’Intérieur et De Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République Française rétablit l’ordre républicain.

 

Près de 50 000 FFI participent à la Libération de Paris, ainsi que le peuple parisien (grèves, barricades, combats) : légitimation de la France dans la victoire alliée. Le Général De Gaulle prend la parole à l’Hôtel de Ville le 25 août : victoire du peuple parisien et la France toute entière  (celle « qui se bat »), Vichy est une parenthèse illégitime.

 

Conclusion

 

A la Libération, les vengeances et la violence éclatent (femmes tondues, règlements de comptes, vagues d’épuration). On est loin d'une justice sereine. Certains collaborateurs (comme Maurice Papon) deviendront même des personnalités importantes des gouvernements d'après guerre.

Victoire des démocraties alliées sur le totalitarisme barbare nazi.

I - 1944-69: Les mémoires immédiates

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B- Pétain et les ambiguïtés de la République

Le procès de Pétain se déroule du 23 juillet au 15 août 1945. La cour déclare Pétain coupable, notamment, d’intelligence avec l’ennemi et de haute trahison. Elle le condamne à mort, à la dégradation nationale, et à la confiscation de ses biens, assortissant toutefois ces condamnations du vœu de non-exécution de la sentence de mort, en raison de son grand âge, La condamnation a été votée à une voix de majorité seulement

Le général de Gaulle déclare le 26 mai 1951 à Oran,

« il est lamentable pour la France, au nom du passé et de la réconciliation nationale indispensable, qu'on laisse mourir en prison le dernier Maréchal »

Le Conseil supérieur de la magistrature, présidé par Vincent Auriol, président de la République, en vue d’adoucir une fin prévisible, autorise le 8 juin 1951 « l’élargissement » du prisonnier et son assignation à résidence « dans un établissement hospitalier ou tout autre lieu pouvant avoir ce caractère ». 

Le transfert dans une maison privée de Port-Joinville a lieu le 29 juin 1951

Philippe Pétain meurt le 23 juillet 1951. 

La République entretient un rapport ambigu avec Pétain (exilé à l'île d'Yeu, tombe fleurie par François Mitterrand en hommage au vainqueur de Verdun pendant la 1ère GM). La République est considérée comme innocente alors qu'elle a accordé les pleins pouvoirs à Pétain. Il y a une réelle volonté de ne pas assumer les actes de collaboration.

L'oubli  (des juifs, tziganes, homosexuels, témoins de Jéhovah, malgré-nous)  paraît indispensable à la réconciliation nationale. cette réconciliation (avec des collaborateurs graciés notamment)  passe avant la vérité historique.

 

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Cet oubli passe par des lois d'amnistie (1947, 51, 53), la fermeture des archives voire la censure.

 

« La République française rend témoignage à la Résistance, dont le combat […] a sauvé la nation. C’est dans la fidélité à l’esprit de la résistance qu’elle entend que soit aujourd’hui dispensée la clémence.
L’amnistie n’est pas une réhabilitation, ni une revanche, pas plus qu’elle n’est une critique contre ceux qui, au nom de la nation eurent la lourde tâche de juger et de punir. »

 

La loi d’amnistie du 6 août 1953

Dans le même temps on met en avant la résistance (ex "Bataille du rail" en 1946), ce "résistencialisme" (Henry Rousseau) permet de laisser croire que tous les citoyens ont été résistants et héroïques en dépit des faits avérés (ex: lettres de dénonciations pendant l'occupation). Cette histoire est notamment récupérée par le parti communiste ("parti des 75 000 fusillés"). 

 

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Lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet, fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941. 

"Ma petite maman chérie, 
mon tout petit frère adoré, 
mon petit papa aimé, 
Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas ! 
J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui, je l'escompte, sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée. 
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme. 
17 ans et demi, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine. 
Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, je vous embrasse de tout mon cœur d'enfant. Courage ! 
Votre Guy qui vous aime"

 

Le discours de Malraux pour l'entrée de Jean Moulin au Panthéon en 1964 marque l'apogée de cette vision historique d'union nationale.

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De nombreuses personnes se sentent "oubliés" de l'histoire

- Les juifs, tziganes, Roms, homosexuels.
- Les STO
- Les soldats prisonniers de guerre.
- Les Malgrés-nous.

 

II - 1969-1995: Le tournant mémoriel

A- Des avancées multiples

Les manifestations de 1968 assimilent la France du général De Gaulle aux Nazis.La mémoire refoulée resurgit par un jeunesse qui n'a pas connu la guerre (ex: Slogan CRS = SS).

La mort du général De Gaulle (1969)  puis de Pompidou (1974) va permettre de faire évoluer les mentalités. 

Les travaux des historiens étrangers vont aussi bouleverser l'ordre établi.

"La France de Vichy" notamment de R.Paxton met fin au mythe du "bouclier" Pétainiste grâce aux archives Françaises et Allemandes.

Il démontre que la politique de Pétain qui allait au-delà des demandes des Allemands (ex: déportation des enfants juifs, rafle du Vel d'hiv etc.). 

 

Les découvertes de nouvelles archives permettent d'approfondir certains points fondamentaux.

 

 

Il élargit à «tous les membres du corps enseignant» l'interdiction pour les juifs d'exercer, alors que les rédacteurs du statut avaient prévu cette interdiction pour les recteurs, inspecteurs, proviseurs et directeurs d'établissements primaires et secondaires.
- Le projet initial prévoyait une mesure d'exception: «être descendant de juifs nés français ou naturalisés avant 1860». Pétain raye cette phrase.
- Il conclut ces mesures anti-juives en demandant que «les motifs qui les justifient» soient publiés au Journal officiel.

 

La théorie avancée du "glaive et du bouclier" est donc historiquement fausse

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B- Des crispations face à ces avancées

On condamne le Négationnisme (nier la réalité du génocide. terme créé par Henry Rousso en 1987)  par la loi Gayssot de 1990, première loi mémorielle. A travers le négationisme c'est le révisionnisme (réécriture de l'histoire à l'opposé des faits) qui est condamné. 

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Ces thèses n'ont pas disparu aujourd'hui. Leur méthode hypercritique (consiste à « monter en épingle » des faits exacts, mais insignifiants ou isolés, pour en tirer des conclusions qui vont à l'encontre de ce que l'examen de l'ensemble des faits connus implique.) se retrouve dans de nombreuses théorie du complot actuelles (comme sur le 11 septembre 2001 par exemple). 

C- La Justice malgré le temps (1987 - 1994)

On se met (enfin) à rechercher les criminels de guerre (notamment avec l'aide des époux Klarsfeld). 

1- Procès d'un Allemand:  Klaus Barbie 1987 

Klaus Barbie est un Allemand Chef de la Gestapo à Lyon, surnommé "Le Boucher de Lyon"

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1972 : Klaus Barbie croyait pouvoir couler une retraite paisible à La Paz, Bolivie, sous le pseudonyme de Karl Altman. Il est retrouvé par le journaliste Ladislas De Hoyos

Klaus Barbie est arrêté puis expulsé vers la France le 5 février 1983. Il est jugé en 1987 à Lyon. 

Le procès de Klaus Barbie est filmé pour en conserver une mémoire historique (fait exceptionnel car il est habituellement interdit de filmer dans un tribunal). Les historiens jouent alors le rôle d'experts.

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2- Le procès raté d'un Français: René Bousquet (1993)

René Bousquet a été secrétaire général de la police du régime de Vichy du 18 avril 1942 au 31 décembre 1943. 

À ce titre, il est l'organisateur de la rafle du Vélodrome d'Hiver de juillet 1942, où plus de 13 000 Juifs sont arrêtés par la police française pour être remis aux autorités d'occupation qui en organisent la « déportation à l'Est »

Il y aura très peu de survivants.

Avant-dernier Français à comparaître en Haute Cour de justice, en 1949. L'épuration était alors à bout de souffle, la rafle du Vel d'hiv peu présente dans l'opinion.

René Bousquet fut acquitté par la Haute Cour de justice du chef « d'atteinte aux intérêts de la défense nationale », mais déclaré « convaincu du crime d'indignité nationale » Elle le condamne à la peine de cinq ans de dégradation nationale.

Le rôle ambigu joué par François Mitterrand pendant le conflit (collaborateur puis résistant) sera un frein à l'organisation de son procès.  

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En 1993 Christian Didier assassine René Bousquet pour devenir célèbre. Il empêche un procès utile pour le devoir de mémoire.

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1971: Pompidou gracie Touvier en catimini

Il est interrogé l'année suivante sur le sujet et déclare

"Allons nous éternellement entretenir saignante les plaies de nos désaccords nationaux ? Le moment  n'est-il pas venu de jeter le voile, d'oublier ces temps où les Français ne s'aimaient pas ?" 

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Maurice Papon ne subit donc pas l'épuration. Il peut donc continuer une belle carrière. 

Préfet de Corse, Préfet de Police sous le Général De Gaulle (1958-1962), maire (1955-1958 et 1971-1983), député (1968-1981), ministre du budget (1978-81).

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III - 1995 à nos jours: Acceptation contre nouveau révisionnisme

A- la difficile reconnaissance de la responsabilité de l'Etat

1- François Mitterrand (1981-1995) a effectué les premières démarches d'acceptation de la responsabilité de l'Etat en créant notamment une journée de commémoration de la rafle du Vel d'hiv en 1992

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2- Jacques Chirac (1995-2007), François Hollande (2012-2017)

Les présidents Jacques Chirac en 1995 et François Hollande en 2012 ont sans ambiguïté reconnu la responsabilité de "l'État français" au travers du régime de Vichy dans la déportation des Juifs. 

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2 - La tentation de l'histoire-émotion

16 mai 2007: Nicolas Sarkozy a décidé de "demander au futur ministre de l'éducation nationale que la lettre d'adieu de Guy Môquet soit lue en début d'année à tous les lycéens de France". L'accueil de cette décision est mitigée par les enseignants.

En 2008, le président Sarkozy avait souhaité confier la mémoire de l'un des 11.000 enfants français victime de la Shoah à tous les élèves de CM2. 

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B - Une nouvelle forme de révisionnisme apparaît

1- L'histoire écrite par des non-historiens

L'histoire est une science qui demande des compétences et une analyse critique. Certains s'affirment historiens sans l'être. Tous les avis ne sont pas d'égale valeur en histoire.

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Robert Paxton dénonce les propos ridicules d'Eric Zemmour

La réhabilitation de Pétain par Zemmour decriée par les historiens

La vulgarisation historique peut être bénéfique mais n'est pas de la recherche scientifique.

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2- Le terrain glissant de l'humour

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3- La récupération politique

Le flou historique est parfois entretenu pour permettre de gagner des voix. On dénonce alors la "repentance" excessive de la France en le faisant passer pour un manque de patriotisme.

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Parfois le politique va jusqu'à remettre en cause la recherche historique. 

Mise en doute de l'existence des chambres à gaz par Jean-Marie Le Pen (septembre 1987)

 

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Conclusion :

Aujourd'hui, l'histoire aujourd'hui est apaisée par l'éloignement du conflit. 

Des recherches tardives essaient de redonner les biens spoliés aux ayant-droits. On réhabilite des personnalités diffamées (comme Jean Zay).

Les mémoires oubliées réemergent comme celles des malgré-nous, des troupes indigènes (film en 2006) ou encore du Service du Travail Obligatoire (STO), considérés désormais comme victimes et non plus comme collaborateurs. 

A l'inverse les exactions des troupes américaines (viols des femmes pendant le débarquement) commencent à être évoquées.

Néanmoins aujourd'hui les tziganes, homosexuels ou handicapés sont régulièrement les grands oubliés des commémorations. 

Autre facteur d'inquiétude la possible récupération / instrumentalisation politique des victimes du conflit. Plus grave encore 42% des Français n’auraient jamais entendu parler de la rafle du Vel d’Hiv. 

Sans connaissance nous n'avons pas les armes pour exercer un esprit critique sur la question historique.


Bibliographie

Raymond Aron, histoire de Vichy, 1954.
Henry Rousso, le syndrome de Vichy
Robert Paxton,« Vichy France : Old Guard and New Order », 1973
Henry ROUSSO et Eric CONAN dans Vichy, un passé qui ne passe pas 
Bénédicte Vergez-Chaignon, "L’affaire Touvier : quand les archives s’ouvrent" , Editions Flammarion, 2016
Pierre Nora, "Lieux de Mémoires"
Pierre Péan "une jeunesse Française"
Jean-Pierre Azéma, Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-1944, Perrin, 2004

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Filmographie.

- La rafle (Bsoch, 2010) 
- Pétain (Marboeuf, 1992)
- L'oeil de Vichy (Chabrol, 1993)
- Lacombe Lucien (Malle, 1975)
- La bataille du rail (Clément, 1945)
- Le Vieil Homme et l'Enfant (de Claude Berri, 1966)
- L'armée des ombres (Melville, 1969)
- Indigènes (Rachid Bouchareb, 2006)
- Monsieur Batignole (de Gérard Jugnot, 2002)
- Nuit et brouillard (de Alain Resnais, 1956)
- Shoah (de Claude Lanzmann, 1985)
- Au revoir les enfants (de Louis Malle, 1987)
- Le Vieux Fusil (de Robert Enrico, 1975)
- Music Box
- Le chagrin et la pitié (1971)
- Holocauste (1979)
- Shoah (1985)
- L'armée des ombre, Jean-Pierre Melville, 1969

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