Journée 440 : « Journée patriotique contre journée de l’Europe ».

Publié le 9 Mai 2023

Cette nuit, de nouveaux missiles russes sont tombés sur l’Ukraine. 23 de ces 25 missiles auraient été interceptés par la défense anti-aérienne Ukrainienne.

Le symbole est fort et la date importante.

Le 8 mai célèbre la capitulation de l’Allemagne nazie devant les forces alliées (dont l’URSS), le 9 mai la journée de l’Europe ou cette même capitulation par la Russie (décalage de calendrier lié à la signature par Staline le lendemain de cette capitulation).

Les cérémonies ont un sens. Ce sens peut évoluer avec le temps.  Et c’est bien le cas ici. En Europe occidentale l’extrême-droite tente de se normaliser et de passer pour héritière de la résistance (ce qui est culotté mais finalement plutôt bon signe). En Russie, on passe de la célébration des morts pour la patrie au culte de la guerre. Ce qui montre finalement que l’Ukraine n’est qu’un maillon des nombreux conflits depuis 1991 (Tchétchénie, Géorgie, Syrie, Moldavie, Ukraine). Marioupol est comparée à Stalingrad (ce qui est un comble sachant que c’est justement la Russie qui a détruit la ville).  On réécrit donc l’histoire là aussi sans peur des contradictions puisque l’on compare la seconde guerre mondiale avec « une opération spéciale » (ce qui n’est pas sans rappeler les pudeurs de gazelles de la France envers la guerre d’Algérie qui était considérée comme une « opération de pacification »).

Cette dérive est logique. Comment Poutine pourrait justifier d’une victoire et terminer cette guerre ? Au mieux il pourrait gagner les oblasts de Louhansk et de Donetsk, même si c’est peu probable. A minima il récupérera les ruines de Bakhmout. Un butin bien maigre par rapport à l’investissement. La guerre se doit donc d’être perpétuelle et dépasser le simple cadre du conflit. La guerre devient un « choc des civilisations » avec pour but la survie ou l’écrasement du modèle opposé. Ce qui n’est pas sans rappeler la guerre froide (1947-1991) et la période post-attentat de 2001 avec la mise au banc de « l’axe du mal » par Bush et l’influence de l’ouvrage de  Samuel Huntington. Ces deux évènements ont montré qu’il n’en a rien été. Pour autant on a peu appris de ces erreurs. Et c’est tout le problème.

Les commémorations n’ont de sens que lorsqu’elles nous permettent d’apprendre de notre passé. Elles n’ont pas pour but d’être utilisées pour se racheter une virginité à peu de frais (coucou le RN) ou pour utiliser l’histoire à son propre avantage. On multiplie les commémorations pourtant en espérant que cela ressoude le pays. Erreur funeste. On en vient même parfois aujourd’hui à vouloir parasiter des cérémonies officielles pour montrer son mécontentement ou à laisser des fascistes défiler en plein Paris (alors que l’on interdit de défiler à de simples citoyens).

Cela donne une furieuse envie d’écouter Badinter et son fameux « Taisez-vous » lors de la commémoration de la rafle du Vel d’hiv. Certains moments appellent le silence et le recueillement par dignité.

Mais le temps de l’actualité n’est pas le temps de l’histoire ou de la mémoire. Les évènements s’enchainent. En cette journée de l’Europe Ursula Van der Layen fait une nouvelle visite à Kyv. Elle rend ainsi un hommage aux manifestants  de Tbilissi ou Kyiv qui ont exhibé le drapeau Européen pour montrer leur désir de paix. Pendant  que parfois  en occident on rejette ce même drapeau en allant jusqu’à comparer l’UE et le IVème Reich (sous l’influence de la propagande Poutinienne). La guerre des symboles et des drapeaux n’est pas anecdotique.  "Le drapeau européen ça renvoie aussi à une forfaiture démocratique quand on est Français" a dit Manon Aubry (LFI). Elle faisait sans doute référence au referendum de 2005 rejeté par les Français et au traité de Lisbonne adopté par une majorité de parlementaires en 2007. Ce qui est paradoxal puisque (outre le fait qu’elle soit parlementaire européenne elle-même) c’est justement le refus de cette constitution qui a entraîné un texte purement technique (le traité de Lisbonne), abandonnant les symboles de l’UE (drapeau, devise, constitution). Paradoxe aussi de se présenter à des élections européennes  en refusant les symboles de cette Union (valable pour le RN aussi évidemment).

Les Ukrainiens et les russes sont loin de ces querelles germanopratines.  Les Ukrainiens voient un espoir de sécurité, de paix et de victoire dans leur intégration. Les Russes la peur de se faire absorber par un occident décadent et Américanisé.

Les célébrations du 8 et 9 mai devraient rassembler tout le monde autour de la fin du nazisme. Il n’en est rien.  La mémoire est un éternel chantier pour sauver les consciences.

Rédigé par M. Orain

Publié dans #Ukraine

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article