Avancées et reculs des démocraties

Publié le 1 Août 2019

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie (24-25h)

Axe 2 : Avancées et reculs des démocraties

L’inquiétude de Tocqueville : de la démocratie à la tyrannie ? Une analyse politique.

- Crises et fin de la démocratie : le Chili de 1970 à 1973

- D’un régime autoritaire à la démocratie : le Portugal et l’Espagne de 1974 à 1982.

Partie I: L’inquiétude de Tocqueville : de la démocratie à la tyrannie ? Une analyse politique.
Avancées et reculs des démocraties
A -  Le désir d'égalité

1 - La pensée Libérale

Alexis de Tocqueville est un des fondateurs de la pensée libérale (doctrine de philosophie politique, moderne et morale fondée sur la liberté et la reconnaissance de l'individu). En étudiant le régime politique des États-Unis il essaie de comprendre les lacunes et les dangers liés à ce type de modèle politique.  il rentre dans une logique évolutionniste : le mouvement vers l'égalité, commencé bien avant les révolutions américaine et française, a un caractère inéluctable.

2- La liberté comme moteur de changement pour promouvoir la démocratie

La révolution de 1830 lui laisse penser que la liberté, est plus efficace que les actes d’autorité décidés d’en haut. 

La démocratie est un état politique, caractérisé par l’égalité des droits : toute personne dans un régime démocratique a droit à un traitement identique. Ce droit est garanti par des règles formelles et trouve sa traduction politique dans l’affirmation de la souveraineté du peuple.
Mais c'est aussi un état social, défini par l’uniformisation des modes de vie, la disparition des classes sociales et l’augmentation de la mobilité sociale. Il constate ces phénomènes aux Etats-Unis comme en France.
C’est enfin un état d’esprit : « les individus sont égaux et les individus se sentent égaux ».

L’esprit d’égalité se définit comme la tendance des individus des sociétés démocratiques à se considérer comme égaux indépendamment des inégalités réelles de situation. L’esprit d’égalité renvoie à la façon dont les individus se perçoivent. L’égalitarisme  est la conception selon laquelle les hommes doivent être traités de la même façon et disposer des mêmes choses. L’esprit démocratique est la synthèse de l’esprit d’égalité et de l’esprit égalitariste.

3- L'éducation clé du changement.

En 1848, quand Alexis de Tocqueville se soumit aux premières élections au suffrage universel – masculin, et qu’il fut élu, il pensait qu’avec un peu de temps, beaucoup d’éducation et des influences sociales bénéfiques, les individus pourraient être conduits à faire un bon usage de leur liberté.

B - La menace sur les libertés

1- L'expérience politique personnelle de Tocqueville a contredit ses croyances

Tocqueville est une personne désenchantée. Député de 1839 à 1851, il a vu la vie parlementaire se rabougrir puis être interrompue par le coup d’état du 2 décembre. Ce qui se vit assez naturellement aux États-Unis ou en Angleterre n’est pas transposable à notre pays marqué par une longue tradition de despotisme centralisateur qu’il analyse dans son dernier chef-d’œuvre, L’ Ancien régime et la Révolution.

2- Déception

Tocqueville a fait l’expérience de la mélancolie démocratique. En même temps qu’il en appelle à l’initiative individuelle, il redoute que le mouvement vers l’égalisation, dans lequel nous enferme dans la médiocrité, au profit d'une  "tyrannie douce" soutenue par des majorités consentantes.

3- Déléguer c'est perdre sa liberté.

Pour Tocqueville, déléguer on pouvoir à des représentants amène par nature à une menace sur les libertés

Le nivellement des conditions sociales et politiques est une autre origine à cette menace. 

C - L'individualisme

1- La loi de la majorité

L'individualisme amène les citoyens à se désengager de la vie publique. Le danger est alors de confier le pouvoir un État qui devient tyrannique.  La loi de la majorité empêchant de développer le sens de l'intérêt général mais plutôt à entretenir une forme d'entre-soi, d'oligarchie.

2- L'Égalitarisme

L'égalitarisme renforce la centralisation, l'intervention de l'État.

3- Relativisme

Plus grave, toutes les opinions sont placées sur le même plan. Il n'y a plus de référence formelle à avis qualifié (scientifique par exemple). C'est le relativisme de la pensée. Toutes les opinions ne se valent pas. On risque alors d'arriver à un conformisme majoritaire qui empêche de prendre des mesures fortes, clivantes. La minorité peut même alors se retrouvée opprimée, ostracisée.

En conclusion

La solution passe selon Tocqueville par le développement des actions civiques (partis, syndicats, clubs, associations...) et par une décentralisation de l'État qui atténue ainsi ses excès de pouvoir et son individualisme. 

Partie II: Crises et fin de la démocratie : le Chili de 1970 à 1973
A - Allende, président socialiste en Amérique

L'élection de Salvador Allende comme président de la République du Chili en 1970 se fait en plein contexte de guerre froide. Allende était socialiste. Les USA craignent que le Chili se rapprochent alors de l'URSS. En vertu de la doctrine Monroe de 1823 les USA considère le continent Américain comme leur chasse gardée. Ils interviennent régulièrement dans les différents pays du Continent. Il restent sur un échec cuisant à Cuba en 1961. Le contexte de "détente" ne suffit pas. Nixon et Kissinger n'hésitent pas à dépasser les règles du droit pour atteindre leurs objectifs (ce qui coûtera sa place à Nixon avec l'affaire de Watergate).

B - Une ligne de crête

1- Un programme utopique pour l'époque ?

Le gouvernement Allende souhaite une redistribution des richesses en restant dans le cadre démocratique légal. Allende doit tenir un équilibre subtil entre les révolutionnaires qui le trouvent trop timoré et l'opposition qui le décrivent comme un communiste dangereux et attisent la révolte. 

2- Un contexte rendu difficile

Au contexte de la guerre froide s'ajoute une crise économique. Le pays est sous pression des États-Unis. Les grèves et manifestations se multiplient. Les problèmes d'approvisionnement et l'inflation élevée minent la popularité du chef de l'État. La situation peut faire penser à celle du Vénézuela actuellement.

C - le coup d'État du 11 septembre 1973

1- La trahison de Pinochet

En septembre 1973, comme chaque année, l'US Navy et la marine chilienne organisent des manœuvres communes. Les troupes d'infanteries de marine passent ainsi la journée du 10 septembre 1973 avec quatre navires de la Navy au large de Valparaíso ce qui leur fournit un alibi afin de ne pas attirer l'attention sur les préparatifs du putsch.

De retour à Valparaíso, les troupes d’infanterie de marine coupent les communications. L'amiral loyaliste Monteiro est placé en état d'arrestation. À 3 heures du matin, le 11 septembre, Valparaíso est aux mains des putschistes sans coup férir.

À 6 h du matin, l'opération militaire s'étend à tout le pays et se réalise sans résistance, à l'exception de Santiago.

Le 11 septembre 1973, le président doit annoncer en public un référendum sur l’économie et les prochaines élections du Chili. Cependant, son annonce n’aura jamais lieu : à 9 heures du matin, la Moneda (siège de la présidence chilienne) est assiégée par l'armée de terre sous le commandement du général Pinochet. Salvador Allende est retranché, depuis 7 heures du matin, dans le palais présidentiel, avec 42 de ses gardes fortement armés. Le vice-amiral Patricio Carjaval lui propose alors par téléphone un sauf-conduit pour quitter le Chili sain et sauf avec sa famille. Mais il refuse, déclarant que le président de la République élu par le peuple ne se rend pas. Il pourrait s'agir d’un piège, les putschistes auraient prévu de saboter l'avion. Allende fait néanmoins évacuer sa famille et le personnel. Plus tard, à la radio, un fusil à la main, il donne un discours dans lequel il affirme que : « Face à cette situation, je n'ai qu'une seule chose à dire aux travailleurs : je ne démissionnerai pas ! »À la suite de ce message radiophonique, il coupe toutes les liaisons avec l'extérieur.

Peu avant midi, deux avions de chasse Hawker Hunter de l’armée bombardent la Moneda à coups de roquettes. Les chars suivent peu après. À 14 heures, le palais est envahi mais Salvador Allende est déjà mort. Il s’est suicidé à l'aide d'une arme automatique, un AK-47 qui lui avait été offert par Fidel Castro.

PHOTO D'ORLANDO LAGOS, PARU DANS THE NEW YORK TIMES EN 1973

PHOTO D'ORLANDO LAGOS, PARU DANS THE NEW YORK TIMES EN 1973

2- Pourquoi ce coup d'État a réussi ?

Pinochet  dispose  de  soutiens  nombreux  à l’intérieur du pays. Les partis politiques de la droite et du centre font ce choix du  coup  de  force,  en  pensant  que  l’armée  rétablira  l’ordre  constitutionnel. Certaines forces politiques, une partie de la société consent au coup de force (cf. lien avec Tocqueville).

3- Pourquoi  le  coup  d’État  n’a-t-il  pas  débouché  sur  une  guerre  civile  ?  

Un rapport de force très défavorable aux forces de gauche. Le coup d’État s’est caractérisée  par  sa  violence  et  sa  radicalité:  3200  personnes  tuées,  35  000 torturés, 200 000 Chiliens qui prennent le chemin de l’exil. Enfin, une partie de l’opinion souhaite ce retour à l’ordre. •Enfin  mesurer  le  poids  des  États-Unis  (rôle  de  la  CIA)  dans  cette  histoire, sans en faire le seul facteur explicatif. 

Source: Académie de Rouen

Source: Académie de Rouen

L'hommage au Chili d'Allende reste un marqueur politique en France, notamment au niveau mémoriel.L'hommage au Chili d'Allende reste un marqueur politique en France, notamment au niveau mémoriel.

L'hommage au Chili d'Allende reste un marqueur politique en France, notamment au niveau mémoriel.

L'opération Zenith du Film "i comme Icare" est largement inspirée de la prise de pouvoir de Pinochet au dépend d'Allende.

Liens:

Analyse vidéo académie de Paris
Chronologie complète (Sciences Po)

Santiago 73 (Post Mortem) de Pablo Larrain (2010) Le travail d’un assistant légiste durant le coup d’Etat et l’éveil de sa conscience politique face aux atrocités commises par le régime 

No du même réalisateur (2012) Fiction qui évoque les coulisses de la campagne pour le référendum de 1988 lors duquel le peuple chilien va imposer le départ de Pinochet, amorçant ainsi la transition démocratique du pays. 

- Santiago, Italia de Nanni Moretti (2019) Dernier film sorti sur le sujet, évoquant à l’aide de nombreuses archives, l’accueil de dissidents et de réfugiés à l’ambassade d’Italie dans les mois qui suivent le coup d’Etat. 

Partie III: D’un régime autoritaire à la démocratie : le Portugal et l’Espagne de 1974 à 1982.
A -  Comprendre la notion de transition de la démocratie

1- Les acteurs mobilisés et leurs moyens d'action

État (notamment l'armée, l'Église) et société civile (les syndicats, les associations, crise économique, aspirations  sociales).

2- Les premiers changements.

Négocier une constitution, autoriser le multipartisme, libérer de la censure, aménager le territoire. 

3- Accords et compromis, les résultats du processus.

Amnistie de l'ancien régime, reconnaissance du drapeau, de la monarchie... Adhésion à l'Union Européenne et à l'OTAN. Finalement faire un retour historique sur son passé (voire juger les exactions).

B - L'Espagne , un modèle de transition pacifique ?

1- L'Espagne de Franco (1939-1975)

Vainqueur de la Seconde République Espagnole (1931-1939) notamment grâce à l'appui des troupes nazies et italiennes (voir Guernica), Franco dirige un régime fasciste qui s'appuie sur l'armée et l'Église. Ce régime  a survécu à la seconde guerre mondiale grâce à sa neutralité pendant le conflit. Après guerre le nouvel ennemi est le communisme et Franco trouve toute sa place aux côtés des USA dans ce combat.

2- Mort de Franco et début de transition (1975)

Au lendemain de la mort de Franco le 20 novembre 1975, le nouveau roi d’Espagne Juan Carlos Ier, désigné par le Caudillo, fait passer en quelques mois le pays dans le camp des démocraties : c’est la "transition démocratique"

Transition démocratique (vidéo)

Quel est le rôle des syndicats ?
• Est-ce l’espoir ou la peur qui domine? Nuancez.
• Comment le journaliste voit-il son travail?
• Les Espagnols croient-ils en la démocratie dès la
mort de Franco?
• La censure s’est elle relâchée?

 

A la mort de Franco c'est son successeur désigné qui arrive au pouvoir: Juan Carlos de Bourbon. Il devient roi d'Espagne (et l'est jusqu'en 2014 où il abdique au profit de son fils Felipe VI) C'est lui qui décide de nommer un chef du gouvernement réformateur: Adolfo Suarez (décédé en 2014). Il réussi à faire adopter le multipartisme en échange par les nouveaux partis de la reconnaissance de la monarchie parlementaire et du drapeau Espagnol.

3- La transition (1977-1981)

 Les premières élections libres ont lieu le 15 juin 1977. La constitution est votée en 1978 et ratifiée par près de 90% des Espagnols. Une tentative de coup d'état militaire échoue en 1981. L'Espagne intègre l'UE dès 1986 et connaît ensuite un fort développement économique.

Pourtant il reste difficile de juger les crimes commis par Franco encore aujourd'hui (exemple). Le transfert de la dépouille de Franco déchire encore l'Espagne aujourd'hui.

Vidéo: Exhumation de Franco

Avancées et reculs des démocraties

1) Précisez le contexte dans lequel se produit le coup d’Etat et le rapport à la violence du nouveau régime.


2) Quel usage est fait du droit sous la dictature ?


3) Que prévoient les « Accords de la transition » ?

4) En référence aux propos d’un député en 2002, à quelles conditions la « maison » sera-t-elle « vivable » ?

C - La révolution des œillets au Portugal.

1- Le déclin de Salazar (1932-1968)

Salazar était chef de gouvernement depuis 1932. Il dirigeait un régime nationaliste et traditionaliste catholique. Dans les années 1960, Salazar engage le Portugal dans des guerres coloniales (notamment en Angola, Guinée et Mozambique) qui paraissent démesurées pour les finances du pays. Ce nationalisme paraît d'arrière garde à contre courant de l'histoire. De nombreux Portugais s'exilent, notamment vers la France.

En 1968 Marcello Caetano succède à Salazar victime d'un AVC (décès en 1970). Salazar reste encore populaire aujourd'hui au Portugal. Il a traversé (comme Franco) la seconde guerre mondiale sans voir son régime (militaire, autoritaire, conservateur mais non fasciste) remis en cause.

2- Un processus différent: Une révolution.

La révolution des oeillets éclate le 25 avril 1974. Les militaires réunis dans le Mouvement des forces armées (MFA) annoncent le retour de la démocratie et renverse le régime sans violence.

3- La difficile transition vers la démocratie.

Le climat politique reste tendu après le coup d'état. Les élections législatives d'avril 1975 voient le Parti Socialiste Portugais (PSP) de Mario Soares gagner la majorité au parlement. 

En 1976 la constitution de la IIIème République est adoptée et instaure un régime semi-présidentiel avec une place importante pour l'armée jusqu'en 1982. Une fois sa transition achevée le Portugal intègre l'Union Européenne malgré un niveau de pauvreté important dès 1986 (en même temps que l'Espagne).

Avancées et reculs des démocraties

Rédigé par M. Orain

Publié dans #1ère, #2019, #Spécialité

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