Les insectes, bifteck de l'avenir (Le Monde.fr)
Publié le 1 Juin 2010
Substituer des larves à la viande ou au poisson est une des pistes envisagées par les Nations unies pour nourrir 9 milliards de personnes à l'horizon 2050.
Brochettes de sauterelles, criquets sauce piquante, purée de punaises d'eau géantes, larves frites, scorpions au chocolat... Le menu n'est a priori pas très ragoûtant, mais il faudra peut-être vite s'y habituer. Le développement de la consommation d'insectes comme substitut de la viande ou du poisson fait partie des pistes étudiées très sérieusement par plusieurs experts, dont ceux de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), pour assurer la sécurité alimentaire mondiale dans les décennies à venir. La FAO est en train d'élaborer des recommandations, et devrait, avant la fin 2010, encourager officiellement ses Etats membres à "maintenir et développer" leur consommation.
L'entomophagie présente, selon ses promoteurs, de multiples avantages. Les qualités nutritionnelles des insectes sont grandes. Ils contiennent des protéines, des lipides, des minéraux (zinc, fer), des vitamines, parfois plus que la viande ou le poisson. Et ils ont un bien meilleur rendement que le bétail traditionnel. "Il faut 10 kg de nourriture végétale pour produire 1 kg de boeuf, explique Arnold Van Huis, entomologiste à l'université de Wageningen (Pays-Bas). Alors qu'il en faut seulement un ou deux pour les insectes comestibles." Ils ont également besoin de beaucoup moins d'eau. Or 70 % des terres arables et 9 % de l'eau douce sont aujourd'hui consacrées à l'élevage, qui est en outre responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, selon la FAO. Quant aux poissons sauvages, ils sont souvent surexploités. Et les poissons d'élevage sont nourris avec... du poisson sauvage. Comment nourrir, dans ces conditions, les 9 milliards d'habitants de la planète en 2050 ?
(...)
Les espèces les plus productives pourraient donc devenir une sorte de "mini-bétail".
Reste à lever l'obstacle du dégoût irrépressible qui s'empare du mangeur à la perspective de croquer une tarentule, même frite. "Il existe un rejet dans l'inconscient collectif, constate Romain Garrouste, entomologiste au Muséum national d'histoire naturelle. Insectes et araignées sont perçus comme sales, grouillants, vecteurs de maladies, destructeurs de récoltes." (...)
Cette répulsion est d'ailleurs loin d'être universellement partagée. Quelque 1 400 espèces sont consommées en Afrique, en Asie, et en Amérique latine : larves de coléoptères, fourmis, chenilles, criquets, chrysalides des vers à soie, punaises, cigales, grillons, araignées, scorpions... (Avis aux amateurs, cependant, comme pour les champignons ou les végétaux, tous les insectes ne sont pas comestibles.) La Chine, le Japon, la Thaïlande, l'Afrique du Sud, le Mexique figurent parmi les plus importants consommateurs.(...)
Les spécialistes espèrent aussi progresser dans les pays occidentaux. Tout est selon eux une question de "psychologie". "Il suffit de goûter pour recommencer", disent les amateurs. Pourquoi délaisser les insectes quand on consomme du miel, des escargots, des grenouilles ou des huîtres ? Leur saveur est souvent comparée à celle des fruits de mer ou des noisettes. Dans l'Antiquité, les Romains appréciaient les chenilles. D'ailleurs, nous consommons déjà involontairement 500 g en moyenne de résidus d'insectes par an, dans le pain, les jus de fruit...(...) "Les insectes pourraient par exemple remplacer les huiles et farines de poissons sauvages dans l'alimentation des poissons d'élevage", affirme M. Vantomme. Bien que peu connue, la pratique existait en France jusqu'aux années 1980, sur les bords de la Saône, où les éphémères, de petits insectes volants, étaient récoltés et utilisés dans les rations animales. Des essais très concluants ont en outre déjà eu lieu dans des élevages porcins.(...)
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