La Maladie et les liens familiaux

Publié le 22 Novembre 2013

 

 

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       On ne s’attend jamais à ce qu’un cancer intervienne dans notre vie. En effet il peut survenir n’importe quand. L’annonce de la maladie propulse les personnes vers deux dimensions différentes, «  l’un craint de mourir, les autres de perdre le malade ». Face à ça on ne peut pas savoir comment l’on va réagir, cela dépend de plusieurs choses (l’âge, la relation avec le malade, la façon de penser, les évènements passé …).


      Être touché par la maladie peut signifier passer par toute sorte d'émotions. Il se peut que le malade ressente de l'incertitude, de la colère, de la culpabilité, de la solitude, de la tristesse ou de l'anxiété; peut être aussi refusera-t-il d'admettre la maladie. Ces différentes émotions sont des réactions normales. Le malade vas réussir ou non à parler et à aller vers ses proches.


      Faire face aux émotions négatives est indispensable pour éviter que les proches ne deviennent des patients à leur tour. Il ne faut pas les culpabiliser car c’est assez douloureux pour eux. S’échapper pour mieux revenir est sans doute la voie la plus sûre » pour les aider à s’adapter aux changements physiques, mais aussi et surtout à la transformation intérieure de leur proche, ni tout à fait le même ni tout à fait un autre ». Proche qui, dans la tourmente, ne rêvent pas d’être un super héros juste un coup de fil donné depuis son lieu de travail, d’un mot d’encouragement le jour des chimio (ou autre moyens de guérison) , d’une sortie en famille… N’importe quel geste qui dit » je suis là » et qui change tout.

 

         Certaine personnes vont avoir tendance à se rapprocher du malade, c’est une implication des proches. Dans d’autres cas ils vont avoir tendance à s’éloigner c’est alors un désengagement des proches.

La guérison est dans la plupart des cas dur et fatigante et change généralement l’apparence physique : Le patient peut donc avoir du mal à se montrer et en discuter. C’est pour cela que l’implication des proches est importante cependant il peut y avoir un blocage venant du malade.

 

 

 

L'acceptation, une théorie inadaptée à la maladie chronique

une théorie largement répandue dans la pratique pour décrire le processus psychologique d’acceptation de la maladie est celle de Kubler-Ross. Elle distingue 6 phases consécutives censées caractériser le processus de deuil d’un patient atteint par une maladie chronique. Selon cette théorie dérivée des travaux freudiens sur la perte, le deuil et la mélancolie, le patient traverse successivement une période de choc, de déni, de révolte, de marchandage, de dépression et, enfin d’acceptation de la maladie. Cette théorie a avait établie en cancérologie dans les années 1970 où le soin était surtout palliatif, comme l’annonce le titre de l’ouvrage de Kubler-Ross, « Les derniers instants de la vie ». Faute de solution thérapeutique permettant de limiter la rapide évolution de la maladie, l’objectif du patient était à court terme d’accepter la mort plutôt que de permettre au patient d’élaborer son projet de vie sur le moyen terme. Or, les progrès de la médecine permettent aujourd’hui aux patients malades respiratoires d’être en situation de chronicisation. C’est la raison pour laquelle les soignants parlent de maladie chronique. Pour le patient, l’objectif n’est plus d’établir à court terme un « projet de mort » mais des projets de vie. Le modèle de Kubler-Ross ne s’applique donc pas à la plupart des maladies chroniques de l’adulte.

 

Les phases d’appropriation d’une maladie chronique
le modèle d’appropriation -et non d’acceptation, notion trop passive- correspond mieux à la maladie chronique. Un travail psychologique sur soi est indispensable pour pouvoir vivre avec la maladie. L’appropriation correspond à une stratégie active qui va être un préalable au changement de comportement pour mieux vivre avec la maladie. Ce modèle comporte 6 phases (voir figure ci-dessous), variables en durée ou intensité. Nous prendrons ci-après l'exemple de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) :

1 - le déni des symptômes respiratoires
Cette phase correspond à une stratégie défensive visant à minimiser l’impact des difficultés respiratoires sur la vie quotidienne (essoufflement, toux, crachats…). Ne pouvant supporter leur apparition, la personne, son entourage et/ou les soignants ne s’attachent pas à comprendre leur véritable signification et implication dans le futur. Chacun se raccroche à l’idée d’une récupération totale de santé après chaque manifestation symptomatique. Le patient minimise la gêne ponctuelle. « Je suis sûr que cela va passer, c’est juste une toux passagère ». L’entourage relativise la gravité des signes. « Mes amis pensent que j’en rajoute, ils ont sûrement raison ». Ne sachant, ni ne pouvant, maîtriser le déclenchement des symptômes, des stratégies d’évitement sont activées.

2 - l’inquiétude symptomatique
Cette phase correspond à la peur du déclenchement des symptômes respiratoires devenus plus intenses, fréquents et/ou durables (i.e. dyspnée). L’inquiétude est provoquée par ses situations plus handicapantes dans la vie quotidienne que lors des premières manifestations. Concrètement, l’entourage peut constater des réactions émotionnelles disproportionnées. L’incertitude causée par la situation sera un moteur essentiel de la consultation médicale.

3 - le choc
Cette phase suit l’annonce du diagnostic. Elle présente un caractère soudain, quantifiée par une batterie d’examens d’un mal inavouable. Elle est souvent renforcée par le souvenir récent d’une exacerbation et/ou d’une hospitalisation en urgence. Le patient et sa famille ne sont pas en mesure d’intégrer spontanément le diagnostic, encore moins la complexité du pronostic lequel est à déterminer à cause des multiples facteurs de risque et de protection en jeu. La manière d’annoncer la maladie et ses implications par le médecin va conditionner la cinétique des étapes suivantes. Plus le patient se sentira détaché de la situation, se plaçant en spectateur de ce qui lui arrive, plus la phase suivante sera longue. Un autre facteur d’allongement de cette phase sera la mauvaise qualité de l’annonce. Des termes vagues, non spécifiques (« c’est le tabac qui vous a abîmé les bronches ») ou associés à une certaine impression de banalité (bronchite chronique), sont ici utilisés sans que le terme « BPCO » soit employé, et donc sans que ce dernier soit expliqué.

4 - la dénégation de la maladie chronique
Cette phase constitue une stratégie défensive visant à éviter l’anxiété provoquée par la non réversibilité de la situation et les changements exigés de mode de vie. La personne minimise la maladie pourtant objectivée par des mesures physiologiques. Elle refuse volontairement d’en comprendre les conséquences sur sa vie future en pensant n’être véritablement malade que par moment. Elle n’est pas disposée à tout entendre sur l’irréversibilité de sa situation et sur les conséquences familiales et professionnelles. Elle se raccroche à l’idée d’une possible guérison. Elle accuse d’autres agents responsables de sa maladie. L'isolement social, le repli sur soi, le refus des soins et l’agression (verbale ou non verbale) sont des modes courant d’expression.

5 - l’anxiété de la maladie
Cette phase est consacrée aux conséquences de la maladie et aux conditions d’ajustement facilitant le bien-être. Le patient se rend compte des retentissements systémiques de la maladie. La répétition des exacerbations et la limitation des activités procurant du plaisir conduisent à une réelle prise de conscience de la situation. Le malade souhaite y remédier au mieux par l’élaboration avec les professionnels de santé d’un programme de soin. Cette attitude fait renaître l’espoir de nouveaux projets de vie. Les conditions sont réunies pour débuter un changement comportemental et basculer vers l’appropriation.

6 - la dépression mineure
Cette phase représente une période passagère d’abandon, de renoncement. Il s’agit d’une étape de remise en question et de désespoir qui se caractérise par un pessimisme important, des sentiments de tristesse et une faible estime de soi. La personne se demande à quoi servent tous les efforts consentis face une maladie qui gagne du terrain. Elle ne se sent plus appartenir au monde des « valides ». Cette impression est accentuée par le regard des autres, assimilant difficultés à totale invalidé. L’oxygénothérapie de déambulation est un amplificateur de ce processus. Le statut de «malade» prend le pas sur la personne.

Clés du processus d’appropriation

Dès la troisième phase, le patient peut basculer dans l’appropriation ou la résignation. Cette bascule peut se faire à chaque phase suivante sans être définitive. L’appropriation correspond à une profonde réorganisation psychique : il y a prise de conscience qu’il faut faire face à la maladie et à ses contraintes en essayant toutefois d’en limiter les conséquences sur la vie quotidienne. La perte irréversible, partielle ou complète, d’une structure et/ou fonction - si insoutenable lors de l’annonce du diagnostic – est désormais évoquée avec moins de souffrance. La personne aborde avec moins d’émotion les véritables causes de sa maladie. Elle plaisante, refuse de s’apitoyer sur son sort, apprend à vivre avec sa maladie, la fait sienne. Une nouvelle identité commence à se construire, qui se concrétisera au fur et à mesure que la personne s’épanouit dans différents projets et/ou qu’elle met en valeur son corps par le renforcement de ses capacités motrices, la maîtrise de ses symptômes (situation de routine ou d’urgence). Certains gains à sa situation apparaissent (place de parking…). Cette nouvelle hiérarchisation de valeurs témoigne que la vie « reprend le dessus ». Ce processus modifie la relation aux autres. Le fait d’avoir approché la mort de si près lors d’une exacerbation et d’avoir eu le courage de surpasser cette épreuve rend digne, mieux attentif aux moindres indices de vie, humble, généreux, tolérant et davantage sensible à la souffrance humaine. Ce processus transforme la manière d’appréhender l’existence. La personne peut apprécier davantage sa vie intérieure et s’ouvrir aux autres. Le « carpe diem » devient un véritable leitmotiv. S’approprier la maladie, c’est aussi s’aimer. Métaphoriquement, l’appropriation permet de flotter, de rester émergé, quelles que soient les conditions de mer. La maladie chronique s’inscrit alors dans une sorte d’échange : un don reçu qu’il faut savoir rendre en bonifiant l’existence restante. C’est alors la voie d’une métamorphose et d’une nouvelle vie. Elle interroge sur l’hygiène de vie, les relations, les loisirs, les moments de détente, les habitudes alimentaires, les pratiques physiques, la sexualité, l’intérêt spirituel. Cette appropriation va ainsi améliorer l’adhésion à la poursuite de la réhabilitation et l’observance médicamenteuse.

 

Les conséquences de l’appropriation

parler de « deuil » à propos de maladie chronique est la conséquence d’un amalgame avec la maladie aigue. La notion d’appropriation, démarche active de changement, devrait être préférée pour la maladie chronique. La qualité de vie pourra en être une mesure indirecte. Les indices de bonne qualité de vie malgré la gravité de la maladie traduiront comment le patient a appris à vivre avec sa maladie chronique, comment il se l’approprie telle une part de sa personne. Il aura compris la nécessité de l’observance aux soins, créé les conditions d’une relation de confiance avec l’équipe thérapeutique, capable d’engager sa propre responsabilité dans le contrôle de son état de santé.

Les conséquences de la résignation

la résignation correspond à une peur de faire, un abandon de soi, un fatalisme. Elle engendre des comportements de compensation comme le tabagisme ou l’alcoolisme. Ces patients sans projet ne tolèrent plus leur incapacité et leur handicap et renoncent psychologiquement à vivre. Ils se laissent aller à des conduites morbides aggravant leur santé, constituant une sorte de provocation à la mort, qui débouche parfois même sur le suicide. Métaphoriquement, le patient se sent submergé par les éléments.


Un processus jamais totalement figé

l’appropriation et la résignation ne sont jamais définitifs. Des périodes de doute, de crises, de complications médicales, d’exacerbation peuvent amener un malade à revenir à la phase où il était auparavant, ou à la phase directement plus basse dans le processus. Des circonstances familiales ou professionnelles comme la rupture avec le conjoint ou la retraite professionnelle forcée peuvent remettre en question le fragile équilibre et contribuer au remaniement psychologique. 

 

 

Sources: Lab-epsylon


Rédigé par M. Orain

Publié dans #ECJS Seconde

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